Bio ou pas bio ? … Enquête dans les assiettes en Allemagne et en France

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Fruits, légumes, produits laitiers, œufs, épicerie salée et sucrée : au sein de l’Union européenne (UE), l’Allemagne et la France sont les deux premiers marchés pour les produits issus de l’agriculture biologique.

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Le secteur y pesait respectivement 5,9 et 3,38 milliards d’euros en 2010. Mais les consommateurs ne sont pas tout à fait les mêmes en France et en Allemagne. Et les jeunes n’y accordent pas le même budget que les quadras ou les personnes âgées.

En France, bio égale « bobo »

Bannissement des produits chimiques de synthèse et des OGM, élevages extensifs en plein air, main-d’œuvre plus nombreuse qu’en agriculture conventionnelle : les rendements de l’agriculture biologique sont faibles. « Résultat, il faut avoir les moyens pour manger exclusivement bio et, en France, ça fait un peu bobo », regrette Camille, une Angevine de 25 ans.

Dans l’Hexagone, le consommateur type de produits bio est une femme de région parisienne, de catégorie socioprofessionnelle supérieure (CSP+), âgée de 46 ans.

Compte tenu des prix élevés, seuls 34 % des 15-24 ans consomment des produits bio, contre 46 % des 35-64 ans (baromètre CSA/Agence BIO, 2010).
« Pour le jeune provincial que je suis, explique Yann, le bio, c’est avant tout les produits cultivés par ma mère dans son jardin.
En ville, j’ai plutôt l’impression que c’est une mode qui exclut les classes populaires, une niche commerciale dans un mouvement plus vaste qui consiste à manger sainement. »

Plus accessible en Allemagne

En Allemagne au contraire, le bio s’est vite démocratisé.
Il a séduit les jeunes en franchissant très tôt les portes des supermarchés et des discounters (Plus en 2002, Netto en 2005, Norma, Aldi et Lidl en 2006, Penny en 2007).
« Je ne fréquente pas les magasins bio, mais quand mon supermarché habituel propose des produits bio à un prix abordable, c’est eux que je privilégie », témoigne ainsi Romy, 27 ans.

Grâce à la compétitivité des producteurs et aux bas prix pratiqués par les distributeurs, un Allemand sur deux consomme aujourd’hui des produits bio. En 2009, la dépense moyenne par tête atteignait 71 € contre 47 € en France.

Pour autant, à l’instar de Romy, le hard discount ne convainc pas totalement les jeunes consommateurs. Ceux-ci se méfient du « greenwashing » (écoblanchiment), c’est-à-dire de l’étiquettage « écologique » à de pures fins de marketing. Pierre, 24 ans, préfère ainsi se tourner vers les producteurs de proximité. « Ils sont, eux, un vrai gage de qualité ».

De l’éthique à l’argument sanitaire

Pour les jeunes prêts à mettre le prix, consommer bio s’apparente souvent à une démarche militante, proche du courant de pensée originel des années 70. « Dégradation de l’environnement, maltraitance des animaux… Je trouve particulièrement inquiétant le productivisme dans l’élevage, explique Pierre.

C’est bien de proposer un label bio, mais surtout pour favoriser les modes alternatifs à la production industrielle. Car je ne suis pas sûr qu’un produit industriel labellisé bio soit de meilleure qualité qu’une denrée issue de l’agriculture conventionnelle. »

Les consommateurs traditionnels de produits bio mettent davantage en avant l’argument sanitaire. « Il est essentiel de ne pas absorber chaque jour des dizaines de produits chimiques en mangeant », rappelle Bénédicte qui, à 30 ans, vit en couple à Paris avec un petit garçon de 2 ans. La jeune maman se qualifie elle-même de « bio-addict intransigeante », surtout lorsqu’il s’agit de son fils. « Il est gardé par une nounou avec d’autres enfants qui ne mangent pas bio, raconte-t-elle.

Du coup, je prépare tous les soirs son déjeuner du lendemain. On me dit souvent que je suis extrême, mais j’ai le sentiment que je ne peux pas faire autrement. Pour moi, les aliments non bio ‘empoisonnent’ le corps humain. » Une étude réalisée en Allemagne en 2010 prouve que les consommateurs bio ont, globalement, un mode de vie plus sain que leurs compatriotes : ils souffrent moins d’obésité ou de surpoids, fument moins, sont plus sportifs et mangent plus de fruits et légumes.

Développer les valeurs bio à l’école

Finalement, la décision d’adopter tel ou tel régime alimentaire est souvent liée à l’éducation. Fille d’une « prof d’allemand mega bio », Julie explique : « je baigne là-dedans depuis longtemps. Je suis conditionnée pour manger bio puisque l’on m’a toujours dit que c’était la meilleure hygiène alimentaire possible. »

Les gouvernements encouragent aussi le phénomène. En France comme en Allemagne, ils ont intégré le bio aux programmes scolaires. Depuis la rentrée 2009, l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique (Agence BIO) propose ainsi aux élèves de CE2, CM1 et CM2 un kit pédagogique : « Dis, c’est quoi l’agriculture bio ? ».

En Allemagne, la campagne « Bio find ich kuh-l » (Le bio, c’est vache-ment bien), lancée à la rentrée scolaire 2010, a pour objectif de sensibiliser les élèves aux bienfaits du bio.

Les plus grands, eux aussi, ont encore à apprendre. « Par rapport aux Français, on avait un grand retard à rattraper concernant la qualité de notre alimentation, explique Romy, qui s’est installée à Paris il y a quelques années. Mais aujourd’hui, je suis fière de voir que le développement du bio en Allemagne fait des envieux ici. »

Partenariats franco-allemands

Face à une offre encore trop limitée en France, les distributeurs hexagonaux nouent, en effet, de plus en plus de liens avec les producteurs allemands.

Début décembre par exemple, un voyage d’affaires initié par le ministère allemand de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Protection des consommateurs (organisé par la Chambre franco-allemande de commerce et d’industrie), a permis à huit entrepreneurs allemands de rencontrer des partenaires potentiels français.

En développant ce type d’échanges, l’Allemagne et la France comptent bien rester leaders du marché bio de l’Union européenne. Après une stagnation du marché allemand entre 2008 et 2010, le site spécialisé BioPress prévoit d’ailleurs un bilan 2011 en forte hausse.

Le scandale de la dioxine, la catastrophe nucléaire de Fukushima et l’épidémie d’Escherichia coli enterohémorragique (Eceh) auraient fait les choux gras des producteurs biologiques.

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