Les ratés du moteur franco-allemand .

JG Zacagna

Les (faux?) titres de la presse française : Avis de tempête ! Divorce franco-allemand ? La charge d’Angela! Les Gaulois sont dans la peine … Les Français demandent aux Allemands de travailler moins, de consommer plus, d’être moins compétitifs et de leur laisser quelques parts du marché mondial …

Comme c’est bizarre …: il y a quelques jours encore, et pendant plusieurs mois, les rédactions des radios et journaux “autorisés” en France (Echos, Tribune, Expansion, Fig’eco, BFM …) bruissaient de louanges quasi hagiographiques sur les mérites incontestés du modèle allemand (réalisme des entreprises, des syndicats et des salariés, cogestion, frugalité salariale, efficacité et performance des Mittelständler, mise en place du régime de retraites, productivité, qualité, innovation et compétitivité à l’échelle internationale…), de son orthodoxie keynésienne (trois piliers de croissance: consommation – investissement – exportations) etc. etc. Et puis, brusquement (surtout depuis la crise grecque , les inquiétudes pesant sur l’euro et les réticences allemandes à payer les yeux fermés), le ton, en France, a changé.

Les “spécialistes “ français commencent de gloser: sur le “paradoxe keynesien “de la Deutschland AG, sa “croissance prédatrice”, son manque de solidarité européenne, les insolents excédents de sa balance commerciale, sa compétitivité acquise par des salaires trop faibles (“désinflation compétitive”) , sa consommation insuffisante (ah bon ? L’Allemagne n’est plus l’un des premiers marchés d’importation au monde ?!).

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Des deux côtés du Rhin, les experts (“Fach-Idioten”!) font leurs choux gras de l’actuelle passe – d’armes économique et politique entre Français et Allemands. Les Français, Ministre de l’économie en tête, dénoncent l’actuel modèle allemand, qualifié de “mercantiliste”, voire de”chinois” (?), la cigale (gauloise) fustigeant -pêle-mêle et à longueur de colonnes et de micros – la fourmi (germanique), lui reprochant de travailler plus, de renoncer à des augmentations systématiques de salaire, et à des baisses d’impôts, d’asseoir sa compétitivité sur la qualité de ses produits et systèmes de production, la productivité de son travail et la cohésion de ses “Kompetenznetze” (alors que chez nous, l’on considère qu’il suffit d’inventer, par décret, des “Pôles de compétitivité” , et de légiférer, en pleine incantation, sur l’innovation, cause nationale obligatoire … pour conquérir des parts du marché mondial !) …

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Alors ? « Mercantilistes », les Allemands (cf. Mercantilisme ou merkelstylisme?)? Chinois de l’Europe, les Allemands ? Arrogants, les Allemands (cf. Article de Monsieur Attali en 2009. sur l’arrogance de nos voisins.Nous y reviendrons) ? Ils ont pourtant renoncé – réunification et Europe obligeaient, en ces temps – à leur mark, non ? Consenti d’énormes efforts pour rester dans les clous de Maastricht et remettre a minima l’ex-RDA sur pied. Contribué massivement au budget européen. Certes. Mais la vertu ne suffit point. Et , une fois établie, elle doit continuer de payer pour ses voisins, et pas uniquement pour les Grecs…

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Bon… ! Les Allemands proposent désormais, après avoir suggéré avec d’autres, l’intervention du FMI en Grèce (“vous n’y songez pas sérieusement, le FMI c’est pour les pays en voie de développement, pas pour l’UE “– alors que cette même UE est l’un des plus gros contributeurs au FMI –) à leurs partenaires européens la création d’un Fonds Monétaire Européen (FME). Mais cela ne convient pas non plus, le FME serait bien trop dominé par le bon élève allemand de la classe, qui joue aujourd’hui les donneurs de leçons et voudrait nous imposer la rigueur , et pourrait, de surcroît, être tenté (ce qui est faux et absurde) de quitter la zone euro …

Alors, quoi ?

Alors, pas de conclusion, même très provisoire. Il faudra encore beaucoup de temps pour rendre la gestion à la française  germano-compatible, et l’allemande gallo-compatible (en particulier ce “civisme économique “ difficile à trouver chez les Latins, plus à cheval sur le “social” …) Et ce compte tenu des fortes divergences historiques, théoriques et méthodologiques entre les deux « modèles », ainsi que du fossé encore considérable entre les atavismes philosophiques et culturels respectifs …

Et pourtant …

La seule issue possible, la seule voie, reste la complémentarité dans l’union ( F+D = plus de 45 % du PIB européen, dont environ 35 % pour D. Ce qui fait de l’Allemagne, et de loin,le premier contributeur net de l’UE), portée par la conscience de bloc, celle d’un bloc stratégique européen (continental, bien sûr), l’unique porteur de valeurs et modèles politiques, économiques et sociaux communs. Sauf à devenir une zone de sous-traitants, et de locataires, et à ne jamais voir sur les marchés un vrai label “made in Europa” …

Jean-Gabriel Zaccagna
Lille, KW 11

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